Fri 24/10/2003

Histoire de l'Eglise catholique

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Contribution de Christian Eyschen au Colloque d'Avignon

les autres contributions seront publiées sur le site au fur et à mesure de leur réception.

Copyright : prière de demander au siège l'autorisation pour toute utilisation. Merci.
 

Sommaire :


 

 


Le sujet que je dois traiter est vaste. J’ai voulu souligner plus des faits et des points d’histoire souvent méconnus que de parler de l’actualité récente, qui a fait l’objet de beaucoup de travaux de libres penseurs. Je traiterais donc du XXème Siècle très rapidement.  Avant de conter l’histoire du catholicisme dans notre pays, il convient de faire un détour par le Vatican, dont l’Eglise en France n’est qu’une succursale. Visitons donc la maison-mère.
 
 

Le cirque et le cimetière


Depuis son origine, le christianisme est une gigantesque machine à recycler les religions anciennes. Ainsi, le lieu du Vatican a été choisi, car c’était là où les Etrusques consultaient les oracles et faisaient leurs prédictions. L’histoire chrétienne du Vatican commence dans les jardins de Néron, sur le mont rival des 7 collines, là où étaient le cirque et la nécropole. Le cirque et la mort, c’est un bon résumé de la religion catholique.

La légende de Pierre et Paul venant à Rome ne repose, elle non plus, sur aucun fait historique. On dit que le premier pontificat du Vicaire du Christ dura 25 ans. Même un historien catholique comme Jacques Mercier indique que l’on ne peut croire à telle chose. L’affirmation catholique est qu’au Vatican, Pierre fut crucifié la tête en bas et qu’il y fut enterré. L’obsession fut de toujours trouver sa tombe, et enfin on aurait la preuve !

Plusieurs papes s’y sont essayés sans  succès. Mais le 23 décembre 1950, Pie XII annonçait la grande nouvelle : c’était sur, on avait retrouvé la tombe de Pierre. Il n’y avait bien sur rien dedans, ni cadavre, ni objet. Mais cela fut déclaré vérité d’évangile. On se console et on se confirme comme on peut.

L’Eglise au service du pouvoir


Né dans le judaïsme, s’y détachant pour s’ouvrir au monde, le christianisme recruta au point de départ dans le seul milieu possible : les pauvres et les esclaves. Les élites étaient juives en Palestine et païennes à Rome. L’Empire devenait immense, les révoltes menaçaient et le peuple juif fut écrasé en 70. La problématique de marginalité du départ étant effacée, l’Eglise allait pouvoir faire ses offres de service.

L’Empire était une mosaïque de peuples, de croyances, de langues, de mœurs, de pratiques religieuses. Il fallait une unité pour tenir face aux menaces des barbares. Avec l’unité politique et militaire autour de Constantin, il fallait une religion unique pour cimenter le tout. Les chrétiens offraient une doctrine « universelle » et de soumission à l’ordre établi par l’Epître de Paul aux Romains, véritable fondateur du christianisme. Celui-ci proclamait « il n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu ou qui soit librement consenti par lui…. En conséquence, l’esclave doit obéir à son maître comme la femme à son mari ». C’était la religion rêvée pour toutes les dictatures.

L’osmose se fit rapidement. Les chrétiens passaient des catacombes aux lambris dorés des basiliques. Les églises que bâtissait l’Empereur étaient plus belles que les plus beaux temples païens. L’Edit de Milan de 313 en fit les serviteurs zélés de Constantin. Ils ne ménagèrent pas leur peine pour le remercier.

Puis ce fut Julien l’Apostat qui rétablit le paganisme. Il luttait contre toutes les formes de christianisme, l’orthodoxe et l’arianiste. L’Orient arien étant plus fragile que l’Occident catholique, il fut frappé  mortellement par cette contre-offensive.

Plus tard, avec l’arrivée au pouvoir de Théodose, le christianisme fut déclaré religion d’Etat et l’Evêque de Rome Damase 1er en profita pour remettre de l’ordre. Il fit interdire l’arianisme qui survivait difficilement en Orient, par l’édit de Thessalonique en 380. Celui-ci disparaîtra définitivement par l’abjuration des wisigoths d’Espagne en 590. C’est à ce Vicaire du Christ qu’on doit la notion de primauté de l’Evêque de Rome sur tous les autres. Il inventa pour cela le nom de pape et de siège apostolique.

Mais l’Empire s’effondrait sous les hordes barbares. Il se disloquait chaque jour davantage. Seule  restait debout  l’Eglise, qui prenait en charge, de fait, les responsabilités du pouvoir civil. Le pape devint defensor civitatis, le défenseur de la cité. Oublieux de leur serment de fidélité à l’Empire, les chrétiens s’adressaient à leurs nouveaux maîtres barbares avec déférence.

Dans son de Gubernatione Dei, le prêtre Salvien expliquait : « la seule cause de notre défaite, c’était la corruption de nos mœurs ». Cela resservira en 1940 pour soutenir Pétain et la collaboration avec les nazis. Et Jacques Mercier de commentait dans son ouvrage sur l’histoire du Vatican : «  Les barbares étaient, à n’en pas douter, les instruments de Dieu ! Attila ne se proclamait-il pas le fléau de Dieu ? Et le Dieu de nombreux barbares baptisés par des prêtres ariens n’était-il pas le Dieu de tous les chrétiens ? » … et de conclure « les barbares ont pris la relève de Rome. La Rome des Césars est morte. La Rome des Papes va naître ».

L’Eglise assoit sa domination


Petit à petit, l’Eglise va chercher à étendre sa domination. Grégoire se préoccupe de l’évangélisation des terres du nord. Il envoie ainsi 40 moines en Grande-Bretagne. Il leur recommande de ne pas heurter de front les traditions et les coutumes des païens : «  Il ne faudra pas détruire les temples païens, mais continuer à les utiliser en les sanctifiant, supprimer les fêtes païennes, mais les transformer en fêtes chrétiennes, en somme conduire les païens à considérer leur christianisation non comme une rupture avec le passé mais comme un aboutissement, comme la réponse à un appel que leurs pères n’avaient pas perçu ou compris ». La tactique sera encore employée des siècles plus tard avec les juifs, mais pour l’instant, sans aucun succès.

Il fallait aussi résister contre l’emprise de Byzance. Les rois lombards, devenant catholiques, grignotaient peu à peu les territoires sous influence de l’Orient chrétien. Pour interdire toute revendication de l’Eglise d’Orient sur celle d’Occident, dans les années 750, le Vatican eu recours à un faux. Ainsi fut exhibé un acte notarié de Constantin qui au moment du transfert de la capitale de l’Empire de Rome à Byzance, aurait concédé au Pape Sylvestre la souveraineté sur l’Italie centrale, c’est la fameuse donation de Constantin. En 1054, la rupture fut consommée entre l’Orient et l’Occident, créant un fossé durable entre les orthodoxes et les catholiques. Ce fut le premier schisme dans le christianisme qui durera et affaiblira considérablement Rome.

L’Eglise commence à se structurer de plus en plus comme un pouvoir centralisé et administré.  En 910, pour résister au désordre croissant de la société, est fondée l’Abbaye de Cluny. Les monastères ne dépendent que du pape. C’est le refus des interventions du pouvoir temporel et même des Evêques. Les abbés sont nommés et non plus élus. Les moines ne vont pas au monde, c’est le monde qui vient à eux.

Trois siècles plus tard, le mouvement d’organisation continuait encore. Au début du XIIIème Siècle est fondé l’ordre des Frères Prêcheurs de saint Dominique.  Celui-ci s’illustra dans la répression contre les Albigeois et les Cathares. Sur cette base est fondée en 1231 l’Inquisition dont les Dominicains furent les zélés serviteurs de cette police politique de la pensée et des consciences.

Toute cette période fut aussi celle des croisades dont la première fut prêchée en 1095 à Clermont. Par 10 fois (sans compter celle des Albigeois), dans toutes les  directions, ces expéditions furent des traînées de massacres et de violence. La quatrième s’arrêta à Constantinople dans le sang de chrétiens massacrés par d’autres chrétiens.

C’est en 1300 que Boniface VIII instaure les années saintes, que ressuscitera Paul VI en 1975. L’inspiration vient du Lévitique qui a inventé le jubilé (le petit de sept ans et le grand de quarante-neuf ans, c’est-à-dire l’addition de sept petits jubilés). Pour des raisons pragmatiques d’économie rurale, il fallait faire reposer la terre et supprimer les créances. L’Eglise décide de faire des années saintes tous les cent ans. Mais cela rapportait beaucoup, financièrement et religieusement. En 1343, Clément VI à Avignon décide de ramener  le délai à cinquante ans En 1376, Urbain VI décide que cela sera tous les trente-trois ans. En 1470, Paul III décrète la forme actuelle, tous les vingt-cinq ans. C’est pourquoi, Paul VI rétablit l’année sainte en 1975 pour que cela tombe juste en 2000. Tout est calculé, il n’y pas de grand profit sans petit bénéfice au début.

Le temps d’Avignon


Au début du XIVème Siècle, la guerre faisait rage entre les gibelins et les guelfes, les premiers partisans de l’empereur germanique et les autres du Pape. Clément V alla s’abriter en France en 1305. Philippe le Bel profita de sa présence pour la destruction de l’Ordre du Temple qui contrariait son pouvoir, notamment financier. Les papes resteront en France jusqu’en 1377.

Dans les guerres qui opposaient les royaumes, il était de bon ton d’avoir le pape avec soi. Ce n’était pas toujours aisé. L’élection d’un souverain pontife ne laissait personne indifférent. C’est ainsi que la fin du siècle vit l’élection de deux papes, un pour la France, l’autre pour l’Empire et l’Angleterre, deux pour le prix d’un, en quelque sorte. Deux papes pour une seule tiare, cela faisait désordre. Un partisan du pape français résumait le problème : «  Chacun aime tant son fumier et a si grande peur de perdre son état et doute tant que sa partie ne soit confondue qu’il en vient à dire : régnons comme nous pouvons ». Mais les Italiens allèrent massacrer les partisans du pape français. Celui-ci se réfugia en Avignon, et de 1378 à 1417, il y eut deux papes toujours concurrents et deux curies. C’est à cet épisode que l’on doit de se trouver dans cette bonne ville aujourd’hui.

Pie III ne régna que vingt-six jours, mais il élimina les traces des Borgia et de leurs frasques. Il obtint de Louis XII l’évacuation des troupes françaises des Etats pontificaux. Lui succède Jules II qui fut un grand organisateur qui créa la garde suisse, protégea Michel-Ange et Raphaël et fit bâtir la basilique saint Pierre.
 

La Réforme


Le 31 octobre 1517, Martin Luther placarde sur l’église de Wittenberg ses 95 thèses contre les indulgences et la collecte des fonds pour la nouvelle basilique. Elles feront le tour du monde. C’est le deuxième schisme qui portera un coup sévère à Rome. Le protestantisme est né du refus de la supranationalité du Vatican et sera la forme religieuse des affirmations nationales des Etats qui se construisent. Luther s’écriera : «  Nous autres allemands, nous ne sommes selon les Italiens que des animaux tudesques, c’est à dire des brutes ! Ces italiens-là sont des charlatans qui nous exploitent et qui sucent la terre allemande jusqu’à la moelle. Germanie,  réveille-toi ! »

Les papes sont des célibataires qui ont souvent le sens de la famille. Après les Borgia vint les Médicis. Ce sont eux qui s’illustrèrent dans le Concile de Trente, qui prit fin le 5 décembre 1563. C’est la Contre-Réforme catholique qui commence par l’affirmation d’une doctrine de guerre contre le protestantisme. Le Vatican, sous Grégoire XIII, décidera de contrôler directement l’offensive par la création d’une représentation permanente dans tous les Etats même non-catholiques. Les nonces apostoliques remplacent désormais les légats du pape. Les nonces ont deux fonctions, ils sont ambassadeurs auprès des Etats et représentants du pape auprès de l’Eglise du pays. Ils ont donc un pouvoir de représentation externe et de décision interne puisque les nominations des Evêques passent par eux. C’est un droit exorbitant qu’aucun autre ambassadeur ne possède.

En 1582, ce pape changea le calendrier qui pris son nom. Les Etats catholiques l’appliquèrent immédiatement, les protestants plus tard, car comme le dira Kepler : « les protestants aiment mieux être en désaccord avec le soleil qu’en accord avec le pape ».

La papauté s’effraie du Siècle des Lumières.  Clément XII,  dans les années 1730-1740, fulmine la première condamnation de la franc-maçonnerie. Se prenant pour Jupiter, il lance sa foudre et ses éclairs contre la pensée qui s’affranchit de plus en plus de la tutelle du dogme. Mais le mouvement est profond, il affecte l’Eglise elle-même. Le fossé s’élargit entre la hiérarchie et le bas-clergé qui fera, en France, cause commune avec le Tiers-état.

La Révolution Française


La tourmente révolutionnaire va porter des coups sévères à l’Eglise. En proclamant la liberté de conscience et les droits de l’Homme, elle s’oppose frontalement à volonté divine, c’est à dire aux intérêts de l’Eglise. Le 13 avril 1791, Pie VI condamne la Constitution civile du clergé, qui n’était nullement antireligieuse, mais qui prétendait introduire des principes démocratiques dans l’Eglise. Le pape ne pouvait que s’y opposer. Il condamna aussi les députés qui avaient voté la mort de Louis XVI. Le Vatican n’était plus, dès lors, en odeur de « sainteté » en France. Le conflit aller s’envenimer, au point où, après la grande vague de déchristianisation de 1792, le général Berthier occupait Rome le 11 février 1798, proclamait la République et faisait prisonnier le pape qui mourut à Valence.

Cela donna des idées à Napoléon qui en 1809 fit prisonnier Pie VII, qui pourtant l’avait couronné, et incorpora de force les Etats pontificaux dans l’Empire français. Après le rattachement à la République d’Avignon et du Comtat Venaissin en 1797, Rome devint alors le chef-lieu du département des Bouches-du-Tibre. De retour, Pie VII rétablit le 7 août 1814 la Compagnie de Jésus, dissoute par son prédécesseur le 21 juillet 1773.

Les problèmes de la papauté n’étaient pas terminés. En février 1849, une assemblée constituante proclamait la république romaine et votait la déchéance du pape. Louis-Napoléon Bonaparte envoya un corps expéditionnaire pour libérer le pape et défaire Garibaldi. Le neveu copiait à l’envers l’oncle.

La papauté rétablie fut de nouveau menacé et cette fois-ci durablement. En 1870 était proclamée l’unité italienne par l’appropriation des Etats pontificaux qui faisaient le tiers de l’Italie. Le Vatican était ramené à 44 hectares. En octobre de la même année, les électeurs des anciens Etats du pape votaient à une écrasante majorité l’annexion à l’Italie. Le parlement votait en 1871 la loi des garanties donnant à l’Eglise le Vatican, le Latran, Castel Gandolfo et trois millions de lires par an. Le pape se déclarait « prisonnier ». Cela durera jusqu’aux accords de Latran en 1929 où Mussolini « libérera » la papauté et conclura un concordat.

Cela laissait du temps de libre et les papes de cette période produiront un grand nombre d’encycliques (Léon XIII en fera une vingtaine à lui tout seul), celles sur le « ralliement » à la République, Rerum Novarum sur la doctrine sociale de l’Eglise, celles condamnant la loi de 1905 de séparation.

Le Vatican se structure


A partir de cette période, le Vatican va prendre la physionomie que l’on connaît aujourd’hui.  Tout d’abord le Souverain Pontife possède la plénitude des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La séparation des pouvoirs est inconnue, comme les élections démocratiques, le droit de grève et de se syndiquer. L’Eglise est pour l’économie de marché et la privatisation, mais pas au Vatican. Tout est nationalisé, l’Etat est propriétaire du sol, des immeubles et des magasins. Il n’y a pas de fiscalité, c’est mieux qu’à Monaco. C’est le seul Etat au monde où il y a plus de fonctionnaires que de citoyens. Pour un peu, on crierait au communisme !
 

Le Vatican met de l‘ordre


En 1870 se tient le Concile Vatican I qui va réaffirmer la primauté du Vicaire du Christ sur le reste des Evêques et proclamer l’infaillibilité pontificale. Le Vatican se dote de l’outil nécessaire pour mettre au pas les récalcitrants. Cela débouchera sur le mini-schisme de l’Eglise Vieille-Catholique qui refuse l’infaillibilité, rupture qui ne prendra aucune ampleur et qui s’éteindra petit à petit.

Mais l’Eglise doit faire front partout devant les dangers extérieurs et inférieurs. En 1910, le Sillon de Marc Sangnier est condamné, en 1927 c’est au tour de l’Action Française de Charles Maurras. L’Eglise discipline ses troupes pour les évènements majeurs du XXème Siècle. Quand les totalitarismes déferlent en Europe, elle se croit triomphante. La revanche sur la Révolution Française est à l’ordre du jour. Partout en France, en Espagne, au Portugal, en Italie, en Allemagne, en Croatie, c’est sa doctrine sociale qui s’applique et les prélats paradent au bras des dictateurs.

Mais tout cela ne dure qu’un temps, et il lui faut rapidement déchanter à la Libération. Au nom des intérêts supérieurs du maintien de l’ordre social, l’Eglise n’est pas poursuivie et sort indemne de sa collaboration avec les dictatures. Mais elle a compris qu’elle est face à un tournant mondial de libération sociale. Elle ne doit plus être seulement avec les oppresseurs, il lui faut être aussi dans le camp des opprimés pour mieux les empêcher de briser leurs chaînes.

Une lente maturation s’opère qui va déboucher sur le Concile Vatican II. Jean XXIII ouvre celui-ci le 2 octobre 1962 en présence de 2 540 religieux de toute nature, soit 1796 de plus qu’à Vatican I.  La donne religieuse a changé dans le monde, les deux-tiers des participants sont non-européens. Ce Concile se situe pleinement dans la tradition qui est de s’adapter pour survivre. Un évêque expliquera : «  Nous ne sommes pas en face d’un édifice nouveau, non, l’Eglise n’est pas partie de zéro et n’a pas aboli le passé pour faire du neuf. Vatican II prend bel et bien le relais de Trente. Il s’appuie fortement sur lui. Les fondations et les murs qui datent de quatre siècles sont bien là, mais la façade est rajeunie, les ouvertures sont larges et l’intérieur, à la manière d’un dessin moderne, tissé sur une vieille trame, s’est adapté aux temps nouveaux ». L’adaptation, par  exemple, fut de transformer l’Inquisition en Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Cela sonnait mieux, mais c’était la même intolérance.

Les conséquences de Vatican II


Ce Concile entraînera, longtemps plus tard, le schisme des traditionalistes de l’Evêque Lefebvre qui renforcera paradoxalement la papauté. Vatican II va traiter d’une foule de problèmes. Je voudrais n’en traiter que deux ici, un a été une réussite et l’autre un échec pour Rome. L’Eglise va se déguiser pour mieux tenir dans une situation difficile. Elle ne change pas le fond, elle modifie la forme. Elle prépare la subversion de ses ennemis d’hier. Fini le catholicisme de droite, réactionnaire, monarchiste, clérical et patronal. Le discours change, il est social, démocratique, voire laïque, ouvert et pluriel, bien sur. Il faut préparer le tournant qui verra la « gauche » arriver au pouvoir un peu partout dans le monde. Il faut la convertir à l’économie de marché, à la doctrine sociale de refus de la lutte des classes et à la laïcité ouverte, c’est à dire le cléricalisme soft. L’actualité montre que l’Eglise a parfaitement réussi dans ce domaine. Elle devance sur son terrain, l’impérialisme qui des années, plus tard, se débarrassera des dictatures trop voyantes, pour mettre à leur place des « démocraties », quitte à mettre des anciens prisonniers et opposants à la tête des gouvernements. L’important, c’est le coffre-fort, et non celui qui est chargé de le protéger.

Le Concile promotionne aussi la politique de l’œcuménisme. Jusqu’en 1989, avec la chute du mur de Berlin, cette orientation rencontrera des avancées et aussi des reculs. L’œcuménisme est un appeau pour la chasse aux canards. On déclare vouloir l’unité religieuse, mais ce que recherche le Vatican, c’est de phagocyter les autres religions pour les absorber sous sa houlette. Paul VI l’expliquera fort bien le 31 janvier 1973 : «  Les expressions religieuses ne sont pas toutes valables… Nous avons le devoir d’affirmer qu’il existe une religion vraie, modelée subjectivement sur les mesures et les besoins de notre esprit et objectivement instituée par ce Dieu que nous cherchons ». Si le catholicisme a été objectivement créé par Dieu, les autres religions ne sont donc pas vraies. Comme démarche d’amour, on fait mieux. Personne n’est vraiment idiot dans ce bas monde et l’œcuménisme est aujourd’hui un échec retentissant, les autres religions se méfient du Vatican, elles ont bien raison.

Jean-Paul II est certainement le plus grand pape du XXème Siècle. Il a été jusqu’au bout du processus initié par Vatican II. Il s’est adapté constamment en préservant l’essentiel, l’outil principal et la raison de vivre de l’Eglise : son clergé. Il a tenu sur la seule ligne possible : le refus de la modernité et de la modernisation de son institution. Dans un monde où l’Eglise ne cesse de reculer et l’athéisme de progresser (16% de la planète contre 33% pour l’ensemble des confessions chrétiennes), toute concession sur le célibat des prêtres, la féminisation, la sacralisation du laïcat ne conduirait qu’à la protestantisation du catholicisme, donc sa fin. « Moins, mais mieux » pourrait être sa devise. Il manœuvre en recul pour tenir. Mais l’Eglise recule C’est un fait que nul ne peut nier objectivement.

L’Eglise en France  

Après ce survol, forcément incomplet, il est temps d’aborder l’histoire de l’Eglise dans notre pays. Les premières traces du christianisme se situent à la mi-temps du IIème Siècle de l’ère vulgaire et non dès le premier siècle comme le prétend la légende forgée sous les carolingiens au VIIIème Siècle. Cette nouvelle religion a du mal à s’installer car elle est celle du Salut et s’oppose au syncrétisme de l’époque qui faisait que l’on adorait les dieux indistinctement dans un rite social mais non de rédemption.

Irradiant du bassin méditerranéen, propagée par des commerçants, elle n’existe vraiment qu’à Lyon La communauté se compose essentiellement des gens venus d’Asie et de  Phrygie (région occidentale de l’Asie mineure). Elle se propage par les voies fluviales qui organisent le commerce, le long des vallées du Rhône, de la Saône et de la Moselle. Le centre et l’ouest de la Gaule l’ignorent à peu près complètement. L’Evêque de Lyon dirige toutes les communautés de la Méditerranée jusqu’au Rhin.

L’Eglise est rapidement confrontée aux hérésies marcionite et montaniste qui viennent d’Orient. Irénée, Evêque de Lyon s’illustrera dans cette lutte contre les gnostiques. On lui doit cette fameuse formule, qui lui évitera de lire et de comprendre la totalité de la pensée des autres : « Point n’est besoin de boire la mer toute entière pour s’apercevoir que son eau est salée ». Cela n’était pas faux, mais bien commode pour condamner les hérésies sans les discuter.

Les chrétiens connurent quelques tracas, mais ne furent nullement persécutés de manière massive et constante. Le judaïsme était bien accepté, car c’était la religion nationale d’un petit peuple. Cela ne gênait pas l’Empire. Mais le christianisme, qui s’adressait à tous, méprisant les dieux des autres, glorifiant un crucifié, était considéré comme un athéisme, ce qui provoquait la haine du plus grand nombre. Cela va changer bien sur avec la conversion de Constantin.

Le premier concile où nous avons des éléments certains sur les Evêques gaulois est celui d’Arles en 314 qui est organisé directement sous la coupe de l’Empereur et qui doit régler l’affaire donatiste qui fut celle d ‘un litige sur les titulaires de l’évêché de Carthage. Il y avait à cette époque quarante-quatre évêques dont seize de Gaule. Les partisans de Donat furent condamnés et rejetés. On profita de l’occasion pour édicter 22 canons pour asseoir l’Eglise dans l’autorité publique.

Vers 360, arrive à Tours un ancien officier de la garde impériale du nom de Martin qui se fait ermite. Il est ancien disciple d’Hilaire. C’est à ce coupeur de manteau que remonte l’implantation du manochisme (les moines) en Gaule. Il va s’illustrer dans la lutte contre le paganisme pour l’éradiquer des campagnes par l’évangélisation de la population dans l’ouest du pays.

L’hérésie est permanente et l’Eglise les combat une à une pour fixer la doctrine. Un breton du nom de Pélage se rend à Rome pour débattre de la liberté humaine et de la grâce divine. S’oppose à lui Augustin qui affirme que l’homme ne peut rien pour son salut, que tout dépend de Dieu. Pélage lui rétorque que l’homme peut tout. Il y aussi une variété, les semi-pélagiens, qui tentent de contourner la difficulté en proposant que les hommes peuvent un peu quand même. On doit à Augustin l’invention du péché originel, de la prédestination et de la fameuse formule adressée aux païens « forcez les à entrer », qui est le début de l’Inquisition. Les moines en Gaule refusèrent la théorie augustinienne, car nier la volonté de l’homme,  c’était décourager l’effort du chrétien dans la voie de la vertu et donc du rôle des religieux. Il y a aussi l’hérésie arianiste qui refuse la divinité du Saint-Esprit et qui se répand aussi.


 

L’Empire se disloque


Comme nous l’avons vu précédemment, l’Eglise s’apprête à servir ses nouveaux maîtres au moment où l’Empire craque de partout. Les barbares, hier honnis, se découvrent des qualités auprès des prélats. L’un deux écrit : «  Les Goths sont perfides, mais pudiques ; les Alains impudiques, mais sincères ; les Francs menteurs, mais hospitaliers ; tous les peuples barbares ont des vices, mais aussi des vertus qui leur sont propres ».

Cette nouvelle tactique va porter ses fruits avec la conversion réelle ou supposée de Clovis. Celui va utiliser le réseau des Evêques pour la conquête de la Gaule méridionale contre les Wisigoths. Se déclarant protecteur de l’Eglise, Clovis est promu au rang de nouveau Constantin. Le roi des Francs a l’intelligence d’utiliser l’Eglise et d’intégrer les Gallo-Romains pour forger son aristocratie.

Un monde meurt, un autre naît. L’Empire était vaste et l’Empereur loin. Clovis réalise l’unité du pays en triomphant des autres barbares et donne une dimension plus appréhensible par tous. C’est la naissance de la monarchie de droit divin et du royaume. Le rapport entre le chef du pouvoir civil (Empereur ou Roi) et l’Eglise n’est plus hiérarchique au bénéfice du premier, comme sous Constantin. C’est l’Eglise à la tête et le Roi n’est qu’un subordonné qui tient sa légitimité de Dieu et de l’Eglise.  La hiérarchie a changé  de sens. Sous le règne des Mérovingiens, c’est la confusion entre l’Eglise et le monde profane. C’est vraiment le début du cléricalisme. Les canons ecclésiastiques deviennent des lois. Au VIème Siècle, l’Eglise justifie l’esclavage qui se redéveloppe, elle en fait la sanction de fautes particulièrement grave contre la morale chrétienne.

Le Roi est le roi des prêtres.  Au Vème Siècle, on prescrivait à tout curé de vivre d’un travail manuel. Sous la dynastie mérovingienne, il a droit à un petit domaine. Il vit du travail des autres, c’est le début des « bénéfices » Comme le note Jacques Mercier : «  Si la période mérovingienne fut donc à bien des égards une période de régression… c’est pourtant alors que s’est réalisée la profonde compénétration de deux mondes jadis ennemis et de deux civilisations complètement étrangères l’une à l’autre, condition essentielle pour la formation d’une chrétienté, qui n’est rien d’autre en somme que la synthèse de la Romania et de la Barbarie unies dans la même foi ».

Le temps des Carolingiens


Cette dynastie s’effondre et ouvre une nouvelle période de dislocation. Charles Martel et ses descendants font s’atteler à refaire l’unité du royaume. Ils sont des Rhénans, ils vont conquérir la Germanie. Le centre de gravité se déplace de Paris vers Aix-la-Chapelle. Ils vont constituer le saint-empire romain-germanique, ancêtre de l’Union européenne.

Charles Martel se présente comme le vainqueur des arabes, ce qui lui attire la sympathie de l’Eglise. C’est le pape lui-même qui « ordonnera » à son fils Pépin le Bref de se faire roi. En échange les carolingiens vont évangéliser complètement leur royaume. Le capitulaire saxon est résumé à l’époque par la formule : « le christianisme ou la mort ». Charlemagne ira bien sur défendre le pape contre les attaques des Lombards. L’Eglise lui donnera, à son tour, le nom de nouveau Constantin. La nostalgie perdure.

Il établit une société qui pourrait se définir par la collaboration des classes sociales qu’on appelle à cette époque l’ordo, l’ordre social. Il le léguera au Moyen Age et à l’Ancien Régime et ses trois ordres. C’est l’époque où chacun sert l’Eglise, le chevalier par son sang, le paysan par son travail et le prêtre par ses prières. Cherchez le parasite.
 

Le Moyen Age


Cette période est contradictoire à plus d’un titre. D’un côté, l’emprise de la région se veut totale. Comme le dit à l’époque l’abbé Abbon à propos du roi : «  En théorie l’élection est libre, mais dès que le roi est élu et sacré, tous lui doivent l’obéissance. A partir du moment du sacre, désobéir au roi, c’est désobéir à Dieu lui-même ». L’Eglise commande, mais elle est un instrument de marchandise. On devient évêque comme on traite un marché, à prix d’argent. C’est la simonie, du nom de Simon le magicien qui voulait, dit-on, acheter leurs privilèges spirituels aux Apôtres. Le complément, c’est le nicolaïsme, le concubinage des clercs.

La religion envahit toute la société, en réaction la société envahit l’Eglise de ses mœurs. Des réactions se font jour à cette emprise du religieux.  Les chansons de geste de la Chevalerie ne doivent rien au clergé, ils sont l’affirmation d’une classe « laïque » qui cherche à s’exprimer.

Le dénommé saint Bernard va dénoncer l’opulence de Cluny et fonder l’abbaye de Clairvaux. Il devient le maître à penser du royaume. A sa mort en 1153, la monarchie va s’affirmer, dans un combat politique contre l’Eglise pour assurer les prérogatives royales, de plus en plus comme le leadership de la société. La période qui s’ouvre est celle des « Rois Très Chrétiens ».

Mais les conflits continuent entre les pouvoirs. Sous le règne de « saint Louis », c’est la querelle entre les ordres mendiants qui dépendent du pape et le clergé séculier sous la dépendance du Roi. Les deux sont chrétiens, mais c’est à qui dirigera la société. C’est le début de l’affrontement sur l’Université de Paris dont l’enjeu était aussi celui de l’influence du Pape ou du Roi. Philippe le Bel réintroduit la devise romaine : « ce qui plait au prince vaut loi ». L’université est le terrain de la lutte entre les deux pouvoirs. Elle va déboucher sur l ‘édification de la théorie du gallicanisme.

Les partisans des deux doctrines ( l’ultramontanisme et le gallicanisme) vont dès lors s’affronter pour des siècles. Ceux du Roi font valoir que le Pape est désigné par élection alors que le Roi l’est par succession, ce qui confère au second une primauté sur le premier. Ceci débouchera sur la Pragmatique Sanction de Bourges qui décrétera que le concile est supérieur au pape, que le roi est au-dessus de l’Eglise et que c’est à lui de diriger les affaires de l’Eglise dans le royaume. Désormais, c’est le Roi qui désigne les prélats.

La Renaissance


En 1516, c’est le concordat de Bologne qui affirme solennellement l’égalité du pouvoir royal vis à vis de celui de l’Eglise. Après Marignan, François 1er est en position de force face au pape Léon X. Par le concordat signé, il supprime les élections prévues par la Pragmatique de Bourges et ne mentionne pas la supériorité du concile sur le Pape. Par contre, le Roi met la main sur les biens d’Eglise. Il n’aura pas besoin de rejoindre la Réforme pour utiliser le trésor de l’Eglise. C’est   l’entente des larrons en foire. Despote un peu éclairé au début de son règne, il engrange les dividendes du concordat, il en respecte les clauses et pourchasse les protestants et Erasme.

Au milieu des années 1500 la Réforme ne peut plus être désormais ramenée dans le giron de l’Eglise. Luther théorise en Allemagne, Calvin organise à Genève. La rupture s’organise. Ce dernier réinvente la doctrine de la prédestination du peuple élu. L’université de Paris est en ébullition, En 1536, Ignace de Loyola y recrute ses premiers disciples. La Compagnie de Jésus va désormais servir de police politique à la papauté. La France est en effet un pays décisif, elle est la charnière entre les pays catholiques et les réformés. Si la digue française tient, la papauté peut tenir. Si elle rompt, tout peut être perdu. C’est cette situation qui va expliquer l’apprêté du combat qui va se livrer pour des siècles et des siècles, selon la formule.

Entre 1562 et 1594, il y aura six guerres de religion qui dévasteront le pays. L’épisode le plus marquant sera la saint Barthélemy du 25 août 1572.  Pourtant, les protestants marquent des points. L’Edit de Beaulieu (1576) leur donne la liberté de culte partout sauf à Paris et huit places de sûreté. En réaction à ce mouvement, la Ligue catholique organise la révolte, mais elle en fait trop et même ses partisans à Paris la lâche. Abjurant sa foi huguenote, Henri de Navarre devient Henri IV et fait l’Edit de Nantes en 1598 qui fut un progrès immense, car il arrêtait le massacre pour un temps.

Louis XIII, en fils indigne, consacrera la France à la Vierge Marie en 1638. Le protestantisme se développe jusqu’au point de représenter 1/12ème de la population. Richelieu en digne serviteur de l’Etat va agir contre cette puissance, il va démanteler la puissance militaire et économique des réformés en 1627 en prenant d’abord la Rochelle, puis Alès, Montauban et Privas. Les guerres de religion sous ce roi dureront neuf ans. En même temps et logiquement, le gallicanisme est réaffirmé. Il repose sur deux principes : le Roi est supérieur au Pape, celui-ci est inférieur à l’Eglise réunie en concile. En même temps, il faut donner des gages à la religion, c’est pourquoi se constitue la Compagnie du saint Sacrement qui ferait passer aujourd’hui les intégristes pour des humanistes. Les huguenots ont interdiction d’aller vivre dans les territoires d’outre-mer. Le Québec devient la citadelle des Jésuites.

Louis XIV


Au milieu du XVIIème Siècle, en plein règne de Louis XIV apparaît le Jansénisme, théorie du nom de Jansénius, Evêque d’Ypres. Il se réfère à Augustin et sa doctrine de la grâce divine et de la prédestination. Contrairement à la légende, le jansénisme n’a rien à voir avec le gallicanisme au départ, mais est, au contraire, une justification de la suprématie romaine. Rarement un point de vue  fut détourné à ce niveau. Il fut utilisé comme un instrument de lutte contre le pouvoir royal en matière religieuse.

L’Eglise est pétrie de ses contradictions : Si seule la grâce divine peut sauver l’homme, à quoi sert l’Eglise, et pourtant il faut qu’elle serve à quelque chose, sinon comment justifier la rétribution de ses services et son existence même ? Augustin est un Père de l’Eglise, mais celle-ci a du mal à reconnaître un de ses géniteurs. Le Pape condamnera cette doctrine par sa bulle Unigenitus du 8 septembre 1713.Le jansénisme, pour tenir face à la répression contre l’Abbaye de Port-Royal (détruite en 1710), va inventer la distinction entre le droit et le fait, qui resservira avec Dupanloup au moment du Syllabus sous la forme de la thèse et l’hypothèse.

Louis XIV fut formé par Mazarin qui lui répétait sans cesse : «  Quiconque est né sujet doit obéir sans discernement ». C’est un excellent résumé de la doctrine sociale de l’Eglise. Il aime Dieu comme un forcené, mais pas au point de le fréquenter dans ses boudoirs. Chacun choisi ses relations. Mais quand, avec l’age, le boudoir perdra de son intérêt, Dieu refera surface avec force. Le Roi se présente comme le lieutenant de Dieu. Il a une fâcheuse tendance à se prendre pour le général en chef.

Mais le gallicanisme va se servir du jansénisme pour résister à la fois au pouvoir de l’Eglise et du Roi. En 1675, les deux courants fusionnent  par le biais du richerisme, du nom de Richer, syndic de la Sorbonne qui tente de développer la démocratie dans le clergé, contre l’ultramontanisme. Va alors se  développer une théorie de la suprématie des Parlements sur les bulles. Le Pape propose, le Roi accepte, les Parlements décident. La lutte des pouvoirs commence. Mais il faut bien un allié dans cette lutte, aussi est défini le principe que le Roi et ses ministres ne peuvent être excommuniés dans l’exercice de leur fonction. Est inventé l’appel comme d’abus qui permet à l’autorité civile de faire appel des décisions papales. Le Roi réaffirme les décisions de l’Edit de Villers-Cotterêts (1539) qui obligent le clergé de déposer les registres baptistaires au greffe des justices royales. La primauté du pouvoir civil sur la religion fait petit à petit son chemin.

Le jansénisme va durer longtemps, des années plus tard, il prendra la forme des Appelants qui se donnaient le droit d’en appeler au Pape « mal informé » contre les Constituants qui obéissaient au Vatican « peride ac cadaver » selon la formule des Jésuites, sans discuter, silence dans les rangs.

La royauté décide ainsi de mettre en œuvre un plan de lutte contre la pauvreté. Il y a 40.000 vagabonds à Paris. Louis XIV décide la création d’un vaste système d’assistance publique. Il va créer les hôpitaux La Pitié, La Salpetrière , Bicêtre qui vont être gérés par l’autorité civile. En 1662, un édit prescrit l’ouverture d’un hôpital général dans toutes les grandes villes de France.

L’Université, à partir d’Henri IV et ensuite de manière irréversible, va passer sous la coupe de la royauté au détriment de l’Eglise. Les libertins sont sur le devant de la scène, Molière triomphe. Un censeur ecclésiastique écrit à propos de Don Juan : «  Qui peut supporter la hardiesse d’un farceur qui fait plaisanterie de la religion, qui tient école du libertinage et qui rend la majesté de Dieu le jouet d’un maître et d’un valet de théâtre, d’un athée qui s ‘en rit et d’un valet, plus impie que son maître, qui en fait rire les autres ? …. Un athée, foudroyé en apparence, foudroie en effet et renverse tous les fondements de la religion, à la face du Louvre, dans la maison d’un prince chrétien.. »

Les protestants perdent la bataille


Pour des raisons politiques et diplomatiques (il va mener la guerre à la Hollande protestante), reniant l’enseignement de Richelieu qui avait une politique intérieur différente de l’extérieur (il a eu beaucoup d’émules par la suite), Louis XIV abroge l’Edit de Nantes en octobre 1685. Il promulgue en sept articles la suppression de toutes les concessions aux réformés, la démolition des temples, l’interdiction des assemblées, l’exil des pasteurs, l’interdiction des écoles protestantes, l’obligation du baptême catholique pour les nouveau-nés et leur instruction catholique, l’interdiction de sortie du territoire pour les réformés. La répression, la tuerie, les dragonnades vont avoir raison définitivement du protestantisme en France. Le Pape a gagné cette guerre. Les réformés vont désormais être marginaux.

La conséquence va être que la modernité incarnée par le Siècle des Lumières devra passer par un autre chemin que la Réforme. C’est le temps de Descartes, de Fontenelle, de Bayle, puis plus tard de Voltaire, Diderot, Helvétius, d’Holbach. Par sécurité, la plupart se réfère à l’Eglise (en 1766, on assassinera le chevalier de La Barre pour impiété), mais ils opèrent une critique virulente de l’intérieur de la religion, à l’instar de Spinoza. Ce chemin de la critique prendra la forme d’un anticléricalisme de plus en plus antireligieux, du fait qu’elle n’a pas pu passer par son chemin naturel : le protestantisme L’exception française naîtra de cette situation particulière.

Un oratorien note avec justesse : «  Le libertinage déclaré, n’est pas ce qui fait le plus de mal en ce siècle corrompu… Certains sentiments hardis sur l’Ecriture sainte… sont infiniment plus dangereux… Où en sommes-nous par exemple si le Pentateuque n’est pas de Moïse et si les livres sacrés ne sont que d’extraits d’autres livres, si la circoncision était avant Abraham et si la loi de Moïse n’est qu’une imitation de la morale et de la religion des Egyptiens ? ». C’est sur cette tradition critique que s’appuie ce colloque de la Libre Pensée aujourd’hui.

A la fin du XVIIème Siècle, la querelle du Quiétisme éclate qui provoquera la rupture entre les deux tenants du gallicanisme Bossuet et Fénelon. Sous des couverts religieux, la question est simple : le Roi peut-il trouver son inspiration directement de Dieu ou lui faut-il passer par le clergé ? La question, c’est le pouvoir d’influencer le pouvoir. Bossuet (partisan du recours au clergé) gagne en ne faisait pas dans la dentelle.

C’est une victoire à la Pyrrhus, d’autant que la victoire sur les protestants se solde par une saignée considérable : 100.00 personnes s’exilent dont 9.000 matelots, 600 officiers, 12.000 soldats et une perte considérable d’ouvriers des manufactures. Ceux qui restent se révoltent face à la répression, les Cévennes sont à feu et  à sang de 1702 à 1705. La guerre civile religieuse durera jusqu’en 1715.

La répression continuera sous le règne de Louis IV. Il faudra attendre 1787, deux ans avant la révolution pour que soit pris un acte de tolérance civile vis à vis des réformés. Mais il y avait des terrains où tout le monde était d’accord. Par exemple cette déclaration d’un gouverneur de la Martinique : » L’instruction est un devoir dans les principes de la sainte religion, mais la saine politique et les considérations humaines les plus fortes s’y opposent… La sûreté des blancs exige  qu’on tienne les nègres dans la plus profonde ignorance ». Business is business.

Le Siècle des Lumières


C’est vers 1750 que la philosophie engage une action massive contre la religion. Déistes et athées  se côtoient dans la lutte contre les dogmes. Le déisme ouvrait la voie à l‘irréligion. Pascal le mettait sur le plan que l’athéisme. C’est la grande  aventure de l’Encyclopédie, condamnée par les jésuites, plusieurs fois arrêtée, mais qui ira jusqu’au bout et qui trouvera un véritable intérêt dans la société. Il y aura jusqu’à 4.000 souscriptions, ce qui n’était pas rien à cette époque.

Voltaire sera l’un des critiques les plus virulents de la religion. Il décortique les textes saints pour démontrer leur inanité. Il dira de la Bible qu’elle est : »sans raison ni pudeur, un tissu de meurtres, de viols, d’incestes et de fourberies ». Il ne se limite pas la critique, il combat pour écraser l’Infâme. Il défend Callas et La Barre. Jean-Jacques Rousseau est plus modéré, mais aussi clair : « L’Evangile est plein de choses incroyables, qui répugnent à la raison et qu’il est impossible à tout homme sensé de concevoir ni d’admettre ». Louis XV expulse les jésuites hors du royaume. Ils seront dissout par le pape en 1773.

1789


Quand éclate la Révolution, il n’y a pas plus de républicains que de laïcisateurs, comme le note Aulard. Mais la déclaration des droits de l’Homme bouleverse l’axe d’équilibre de la société. Ce n’est plus Dieu et l’Eglise au centre, c’est l’homme. Dès lors, la laïcisation de la société est en marche. Le 2 novembre 1789, la Constituante nationalise les biens du clergé pour les vendre afin de trouver des finances pour le fonctionnement de l’Etat. Le 3 février 1790, l’Assemblée Nationale interdit les vœux religieux et les congrégations non-hospitalières ou non-enseignantes. En août 1792, la Législative interdit toutes les congrégations.

La Constitution civile du clergé est condamnée par le pape. Sur cent-soixante prélats, seuls sept acceptent de prêter le serment constitutionnel. C’est le schisme dans l’Eglise La situation est différente d’une région à l’autre. 90% des curés refusent le serment en Vendée, 96% l’acceptent dans le Var. C’est aussi la rupture des relations diplomatiques entre la France et le Vatican.

Louis XVI décide de fuir à l’étranger pour rejoindre les émigrés. Il est arrêté à Varennes. Les choses se précipitent. Les autorités arrêtent en masse les réfractaires. La déchristianisation commence, elle va durer jusqu’en 1795. Elle conduira entre trente et quarante mille prêtres à s’exiler Dans le même temps, la sécularisation de la société et particulièrement de l’administration et de l’état civil se met en place.

C’est la guerre. Soixante des quatre-vingt-trois départements sont occupés peu ou prou par la réaction coalisée des monarques européens. La levée en masse est décrétée. La Vendée paysanne, attachée à ses cultures la refuse. C’est l’insurrection chouanne sous la conduite des royalistes. Sous la pression des révolutionnaires, les apostasies dans le clergé constitutionnel se multiplient. Les cathédrales servent aux cérémonies de la déesse Raison. En 1795, la Convention thermidorienne tirant le bilan de l’échec de la Constitution civile du clergé décrète la première séparation de l’Eglise et de l’Etat qui va durer jusqu’en 1801.

Le Concordat


Bonaparte veut que la religion le serve dans sa conquête du pouvoir. Il établit l’accord avec le pape. Les religions chrétiennes et juives sont dès lors considérées comme des services publics et leurs ministres du culte sont des fonctionnaires rétribués par l’Etat. Il donne ainsi des gages au catholicisme qu’il proclame comme la religion de la majorité des français. Le Pape est d’accord, après la tourmente, il sauve l’essentiel. Bonaparte prend rang à son tour de nouveau Constantin. Décidément, pour ce titre, il y eut à travers l’histoire beaucoup de nominés. Mais les tenants du gallicanisme critiquent ce concordat ultramontain. Bonaparte le complète par les Articles organiques qui réintroduisent l’indépendance relative de l’Eglise de France vis-à-vis de Rome. Un coup à droite, un coup à gauche. Pie VII apprécie assez peu la plaisanterie et refuse de les reconnaître. Tous ses successeurs en feront de même.

Bonaparte fait aussi le Code civil qui ne doit rien à l’Eglise. La force laïque de la Révolution continue son chemin et le pouvoir est obligé de faire avec. Au moment des Cent-jours, quand Napoléon revient d’exil, on entend sur le chemin de la remontée à Paris, à la fois « vive l’Empereur », mais aussi « à bas la calotte ».  L’anticléricalisme populaire se manifeste avec force.

Avec la Restauration, la ligne va être claire pour l’Eglise. Il faut la monarchie pour préserver les droits de la religion. C’est l’alliance du trône et de l’autel contre 1789, alliance que l’Eglise va soutenir jusqu’à la fin du XIXème Siècle. Albert de Mun l’expliquera avec clarté en 1878 : » La Révolution n’est ni un acte ni un fait ; elle est une doctrine sociale, une doctrine politique qui prétend fonder la société sur la volonté de l’homme, au lieu de la fonder sur la volonté de dieu, qui met la souveraineté de la raison humaine à la place de la loi divine ». C’est inconciliable, l’une doit gagner au détriment de l’autre.

La monarchie va garder le concordat intact. Elle n’introduira qu’une modification en 1814, la religion catholique devient la religion d’Etat. Cette disposition sera abrogée en 1830 pour revenir à la formule initiale. C’est le temps où l’Eglise tente sa reconquête de la population avec des prêtres fanatiques comme le curé d’Ars.

Le temps des révolutions revient


Vers 1830, une aile minoritaire se dégage au sein de l’Eglise autour de La Mennais, Lacordaire et Montalembert. Ils anticipent l’encyclique du Ralliement de 1893, comprenant que l’Eglise peut tout perdre si elle lie son sort à la monarchie qui est condamnée par l’histoire. Les Trois Glorieuses en 1830 leur donnent raison, la Révolte se dresse à la fois contre la royauté et aussi contre l’Eglise. Heine écrira : «  La majorité des Français ne veut plus entendre parler de ce cadavre et se tient le mouchoir devant le nez quand il s’agit de l’Eglise ».

Pourtant le Vatican reste sur la même ligne de soutien à la royauté. Le pape fulmine son encyclique Mirari Vos qui est une condamnation explicite des thèses de La Mennais. Lacordaire et Montalembert s’inclinent, La Mennais plus difficilement, il finira d’ailleurs par quitter l’Eglise. Mais ils avaient ouvert la voie à la démocratie-chrétienne.

Quand éclate la Révolution de 1848, l’Eglise fait attention et n’est pas victime, en tout cas à Paris au début, de la vindicte populaire. On célèbre un peu vite les noces de la République et de la religion. A Lyon, par contre les Canuts saccagent quelques couvents. Mais quand la lutte des classes s’affiche brutalement dans les journées de juin, d’un coup les catholiques rallient la réaction par peur des Rouges et des Partageux.

En 1864, Pie IX édicte l’encyclique Quanta Cura et le Syllabus pour s’opposer à toute volonté de moderniser la doctrine de l’Eglise. C’est une religion de guerre civile qui s ‘organise. Pas une seule revendication de liberté et de démocratie qui ne soit condamnée par le Syllabus. C’est l’anathème généralisé. A cette occasion, Dupanloup inventera la thèse et l’hypothèse. « La thèse, disait-il, c’est que les juifs ont tué Jésus-Christ, l’hypothèse c’est monseigneur Dupanloup qui va dîner chez monsieur de Rothschild ».
 
 

L’Ecole devient l’enjeu


Pour la reconquête catholique, contre les idées de la Révolution et la naissance du mouvement ouvrier organisé qui menace le trône et l’autel, l’école va devenir le terrain d’affrontement. Guizot fait une loi pour développer un peu l’instruction. L’école est sous la coupe de l’Eglise qui la contrôle à tous les niveaux. Cette loi fait obligation à chaque département d’avoir une école normale primaire.

Le dispositif de main-mise de l’Eglise se complète par la loi Falloux du 15 mars 1850. Au Conseil supérieur de l’Instruction publique, sur trente-six membres, il y a quatre Evêques, deux Pasteurs et un Rabbin. Mais la laïcité continue son combat. La revendication d’une Ecole laïque se développe.

La presse se déchaîne. Veuillot dans l’Univers écrira : « Quand on n’est pas propriétaire, il faut croire en Dieu pour croire à la propriété ». Quand l’Univers est remplacé par Le Monde (déjà !), les républicains ouvrent leurs journaux. Pour un journal clérical, sept républicains se créent contre dont trois anticléricaux. L’opinion publique se modifie, les républicains se radicalisent. En 1869, Gambetta inscrit la séparation des Eglises et de l’Etat dans son programme de Belleville.
 

La Commune


Après la défaite de l’Empire à Sedan, la République est proclamée le 4 septembre 1870. En mars 1871 éclate la Commune de Paris, véritable révolution qui va décider la création de l’Ecole laïque et la deuxième séparation des Eglises et de l’Etat. L’Eglise fait corps avec Thiers, elle subira les conséquences de ce choix Mais la Commune est défaite et écrasée. L’Eglise et la réaction triomphe. Elle fera édifier la basilique du Sacré-Cœur à Montmartre à partir de 1874 pour expier les crimes des Communards. La réaction triomphe au point où il paraît possible en 1873 de rétablir la monarchie avec Henri V. Il s’en faut de peu : la maladresse du dit-roi qui voulait le drapeau blanc au lieu du tricolore comme emblème national fait échouer la restauration.  Il faut parfois se méfier des symboles.

Petit à petit, le mouvement ouvrier et républicain se redéveloppe. Dans le recensement de 1876, il est dénombré 80.000 libres penseurs. Le clergé est bien sur très puissant, on dénombre 50.000 prêtres séculiers, 158.000 congréganistes. Dans la misère qui existe, l’Eglise est un recours pour s’en sortir puisque les prêtres sont payés par l’Etat. Les 6.937 congrégations possèdent la valeur de 700 millions de Francs en immeubles. Leur richesse a été multipliée par 10 depuis 1850.

La lutte entre l’Eglise et la République va être chaude. En 1877 à l’Assemblée, en 1879 au Sénat, la majorité devient républicaine. Son programme est simple : la laïcité de l’Ecole, la séparation des Eglises et de l’Etat, l’amnistie et le retour des Communards. C’est sur ce programme que sont gagnées  les élections. Les lois laïques scolaires sont votées et mises en place. Dans la foulée, toute la série des grandes lois de liberté sur la presse et la liberté syndicale sont votées. Est supprimé le délit d’outrage à la morale religieuse, est rétabli le divorce.

L’Eglise risque de tout perdre. C’est à ce moment-là que Léon XIII fait l’encyclique sur le Ralliement à la République. Le combat pour la monarchie est définitivement perdu. Il faut faire autrement pour tenir. L’Eglise va se servir de la question sociale pour offrir ses services aux grands de ce monde qui oppriment la classe ouvrière. Fini le Roi, vive le patronat ! Le terme de démocratie-chrétienne est inventé par l’abbé Six pour servir de titre à une revue d’éducation ouvrière catholique C’est éclairant sur la tactique de l’Eglise.
 

La Laïcité s’installe


Le ralliement vient trop tard, la bourgeoisie a du trop lutter contre l’Eglise pour oublier les combats d’hier du jour au lendemain. De nombreux ecclésiastiques, comme les abbés Gayraud et Lemire se font élire à l’Assemblée pour mener le combat pour les intérêts du Vatican. L’affaire Dreyfus voit en première ligne le sabre et le goupillon contre l’officier innocent. Les Assomptionnistes, propriétaires de La Croix « le journal le plus antisémite de France » selon ses propres termes, sont les premières victimes de la lutte laïque.

La loi de 1901 sur la liberté d’association, la loi de 1904 sur les congrégations entraînent la dispersion et parfois l’exil de nombreux religieux. Ils reviendront en 1942 grâce à une loi de Pétain. C’est ensuite le vote de la loi de séparation des Eglises et de l’Etat de 1905. Je ne m’arrêterais pas sur ces évènements, nous les connaissons tous très bien. La loi de 1905 entraîne la rupture des relations diplomatiques avec le Vatican. Elles seront rétablies par un troc sur les associations diocésaines en 1924.

Voilà comment la Libre Pensée analysait cette loi dans le journal L’Action : « La séparation des Eglises et de l’Etat dans la République française n’est pas une fin. Elle est un commencement. Elle est le commencement nécessaire d’un régime de laïcité intégrale et d’une ère de libre pensée définitive. La séparation telle que les pouvoirs publics l’ont promulguée est une œuvre imparfaite et incomplète comme toutes les œuvres politiques. Elle fait des concessions excessives aux superstitions religieuses et particulièrement à l’Eglise romaine Mais le suffrage universel, incessamment renouvelé par l’école laïque sans dieu ni maître, apportera nécessairement à cette œuvre les perfectionnements indispensables pour réaliser toute la libre pensée, individuelle et sociale.. ». Ce pronostic va s’avérer exact avec le temps.

Les conséquences de la loi de 1905


En ne reconnaissant, ni ne salariant aucun culte, la République laïque va porter un coup sévère à l’Eglise catholique. Nous avons vu plus haut que sous et par le Concordat, l’Eglise était un moyen de réussite sociale plus ou moins grande. En tout cas, cela donnait un travail à beaucoup de gens, puisque c’était l’Etat qui payait les traitements. Rapidement les vocations vont chuter. Les familles paysannes et bourgeoises hésiteront alors à vouer leurs fils et filles à une pauvreté certaine. Le milieu ouvrier est réfractaire aux vocations. Il y a 1518 ordinations en 1904, 1114 en 1909 et 704 en 1914. Depuis la chute n’a fait que continuer pour atteindre des chiffres dramatiques pour l’Eglise aujourd’hui.

L’Eglise va donc se tourner, avec le temps, vers le laïcat. L’entre-deux-guerres va voir ainsi fleurir les mouvements de jeunesse catholique ouvrière, étudiante et paysanne. L’Action catholique va se développer dans tous les milieux perméables à la religion. La première association d’action familiale est créée en 1902 par l’abbé Viollet à Paris au Moulin Vert. Elle regroupe des ouvriers de toutes professions, pour leurs intérêts familiaux.

Cette crise des vocations, l’affirmation de la laïcité de la République, le développement des savoirs font avoir des conséquences à l’intérieur même de l’Eglise. La fin du concordat brise une tutelle étouffante pour certains prêtres. Le dogme en a pris un coup et certains se mettent à étudier les Ecritures avec d’autres yeux. Un nombre conséquent de membres de l’Eglise vont la quitter découvrant l’absurdité de la religion. Loisy, Turmel, Alfaric ne sont que les plus connus Beaucoup rejoindront la Libre Pensée. A l’époque, il sera possible de recruter à la Libre Pensée des ecclésiastiques, car ils étaient nombreux et un nombre important venait des milieux populaires. Aujourd’hui, la matière première se faisant plus rare, la problématique est totalement différente. La loi de 1905, c’est le libéralisme des idées qui triomphe. Le mouvement sera si profond que Pie X devra faire une encyclique en 1907 pour condamner le Modernisme.

Le seul endroit où l’Eglise tient, c’est dans les missions étrangères qui accompagnent la colonisation. Cela est du au fait de l’importance de l’Empire colonial français. La IIIème République aura une politique intérieure laïque et une politique extérieure totalement cléricale. Au début du siècle, sur 6.106 missionnaires dans le monde, 4.500 sont français dont 800 jésuites.
 

Le tournant tactique de l’Eglise


Après 1905, jusqu’en 1944 après l’intermède «de la divine  surprise  » de Pétain, l’Eglise reste axée les yeux en arrière au bon vieux temps du Concordat. En janvier 1924, la conférence épiscopale fait une déclaration unanime à la veille d’une consultation électorale : «  Sur tous les terrains, dans toutes les régions du pays, on déclarât ouvertement et unanimement la guerre au laïcisme et à ses principes, jusqu’à l’abolition des lois iniques qui en émanaient, et que pour réussir, on se servît de toutes les armes légitimes ».

En 1945, l’Episcopat fait une nouvelle déclaration toujours unanime pour indiquer qu’il y a deux conceptions de la laïcité, l’une ouverte est acceptable par les catholiques, l’autre fermée (la séparation) est condamnable. L’Eglise va donc tourner. Elle va faire agir ses membres partout sur la ligne de la laïcité ouverte pour coloniser le mouvement ouvrier, démocratique et laïque avec quelque succès.

Il est à l’honneur de la Libre Pensée de ne s’être pas ralliée à la laïcité ouverte comme tant d’autres. Cette résistance nous permet aujourd’hui de redevenir le centre de l’union laïque pour reconquérir la laïcité démantelée par le Régime de Pétain et des gouvernements successifs de la Vème République.

L’Eglise sort considérablement affaiblie de vingt siècles d’histoire.  Quand on regarde l’histoire, elle n’a fait que reculer dans ses prétentions et privilèges. A chaque fois que l’Humanité a voulu se libérer, elle a eu en face d’elle l’Eglise au bras de la réaction et de l’oppression. Et pourtant  l’Humanité a toujours avancé, parfois  avec des reculs, mais en définitive, elle a toujours été plus loin. C’est ce qui fonde notre optimisme.

L’Eglise n’a sans doute pas dit son dernier mot, la Libre Pensée non plus. Cela tombe bien, nous sommes prêts pour la grande explication.

Je vous remercie de votre attention.
 

Christian Eyschen

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